Né vers 1800, dans les ateliers des facteurs d’orgues haut-valaisans Walpen1, non loin de la belle église baroque de Reckingen, je ne garde, malheureusement aucun souvenir de mes premières années. Signé mais non daté, dois-je la vie à Joseph (1764-1841) ou à Bonifaz (1774-1828)? Peut-être à tous les deux ! Je pourrais même avoir encore un frère, autrefois chez l’instituteur de Münster (en 1952) ? Mystère !
Je réapparais timidement chez un célèbre antiquaire sédunois, là où me découvrit, un matin de 1952, tristement coincé entre le vieux mur d’une cave et le dos d’une grosse armoire, celui qui prit soin de moi jusqu’à aujourd’hui (le soussigné!)… L’histoire n’est d’ailleurs pas banale ! A l’époque, pour un ami du roi des instruments, il était quasiment impossible de se procurer des tuyaux ou autre matériel usagé. L’inutilisé2 était détruit, tant les facteurs d’alors craignaient la récupération par des bricoleurs, peut-être futurs concurrents!
Pourtant, parmi les mordus, un bruit courait: «Du côté d’Yverdon, il y aurait, peut-être, un petit orgue à vendre!». Ce fut notre ami Jean-Jacques, celui du Musée de l’Orgue, qui l’emporta, pour 70 francs d’alors3 ! « Ne t’en fais pas, Pierre, va à Sion, fouine les antiquaires, tu trouveras ! » Et Pierre m’a trouvé !
Malgré un voyage rocambolesque, couché dans une vieille fourgonnette 2 CV, sur quatre cageots à pommes de terre, mon nouveau propriétaire allongé dans l’espace laissé libre… mon arrivée à Lausanne ne passa pas longtemps inaperçue! Très vite, je fus sollicité pour la réalisation d’une œuvre lyrique peu banale, l’Ubu Roi d’Alfred Jarry, mis en musique par le regretté Gérald Gorgerat. Au théâtre des Faux-Nez4, perché sur une minuscule scène tournante, sous les doigts de Jacqueline Burnand, la comédienne, j’accompagnais les inimitables ritournelles qui, soit dit en passant, mériteraient bien une réédition… ! A cette occasion, je reçus une soufflerie électrique qui est toujours là !5
Lausanne, Gollion, puis, depuis 2007 le Musée de l’Orgue à Roche, je serai heureux de participer à la nouvelle vie qui m’est offerte, là où je pourrais bien être le premier à faire chanter les douces sonorités d’un orgue historique, sous les voûtes vénérables de la chapelle cistercienne du Clos des Abbayes ! Désormais propriété de l’Association des Amis de l’Abbaye de Montheron, je me réjouis que vous veniez m’écouter, vous ne le regretterez pas!
Pierre Golaz
Détails techniques: clavier 54 notes (do1-fa5):
Principal 8’ dessus (do3-fa5), prestant 4’, doublette 2’. Soufflerie à pied hors d’usage, soufflerie électrique 230 V monophasé 1952, en bon état. On pourrait avoir les deux souffleries, à choix. En façade: prestant 4'.
Notes :
1. Etablis à Reckingen, les Walpen, souvent associés à une autre dynastie haut-valaisanne, celle des Carlen, ont réalisé un grand nombre d’instruments, tant en Valais qu’ailleurs en Suisse et même en Savoie ou en Italie (Bacceno près de Domodossola).
2. De nombreux instruments, qui seraient aujourd’hui classés, ont été détruits dans l’indifférence quasi générale (Cathédrale de Lausanne – XVIIIe s. – Cully, Morges, Orbe, Le Landeron, etc.)
3. Positif Sumiswald du XVIIIe s., l’un des bijoux du Musée de l’Orgue.
4. L’ancienne cave des Faux-Nez, à la rue de Bourg, à Lausanne, avec Charles Apothéloz et ses amis.
5. Ma vieille soufflerie, actionnée par une pédale, pourrait être facilement restaurée